Ce projet part d’un souvenir. Train de nuit entre Genève et Amsterdam, il y a longtemps. L’extérieur est absent. Seule dans un compartiment avec le reflet de mon visage sur les vitres, démultiplié. Le même, le même, le même. J’étouffe. Sortir au plus vite. Vers un autre. L’autre. Sa différence va me sauver de l’enfermement. C’est là que tout a commencé.
Je tente de me souvenir des visages croisés dans ma vie. Ils sont gravés quelque part en moi. Une impression diffuse, des impressions superposées, une abondance d’impressions. Je suis étourdie. Face à face. Visages de craie tracés dans la terre. Chuchotement de la matière vive. Cri de la matière sourde. Visages à nu, peau, poils, cornes. Un homme, une bête entrecroisés. Des coiffes, des parures, visages de cérémonie. Peau blanchie. Cernés de noir, fardée de rouge, les yeux, la bouche sont en excès. Visages travestis. Il ou elle ? Il et elle. De Madagascar à Stockholm, de Bombay à New York, les visages du monde remontent le temps jusqu’à moi.